Les coyotes.

Service de la communication des armées

 

La voix féminine tombe du haut-parleur, légère et prometteuse comme un voile de mariée :

            Levez vous mes petits, c'est l'heure ! Il est 10 heures, et, croyez bien que je le regrette, il faut se lever. La paresse n'est pas de mise dans notre belle armée.

Pendant que vous prendrez votre bain moussant, Paméla va mettre un disque pour vous donner la pêche. Paméla, quelque chose de tonique, s'il te plait. Parce que hier, quand elle vous a passé Lorie "Tu ne sais pas me dire "je t'aime", Moi je te l'écrirai quand même", j'ai bien vu à vos petits nez enchifrenés, au petit déjeuner, que beaucoup n'avaient pu retenir leurs larmes.

Ah voilà, je sais ce qu'il faut: "C'est un fameux trois-mâts fin comme un oiseau. Hisse et ho, Santiano ! " Tu nous trouves ça, Paméla ?

Bon bain, mes petits matelots...

Pendant que vous barbotez, les hôtesses préparent les treillis, les tout nouveaux créés par Jean Paul Gautier, vous verrez, vous allez adorer : souples, près du corps, imprimé bambous sur fond taupe, gansés de ciel, anti transpirants. C'est vrai que le taupe ne va pas bien aux blonds, mais comme vous avez tous la boule à zéro, hihihi... Allons pas de moue, ne regrettez pas vos boucles et vos dreadlocks, le genre viril est très craquant aussi, et notre bien aimé général est très à cheval sur les traditions.

Vous trouverez le programme de la journée dactylographié dans la douzième poche intérieure gauche. Peut être vous paraitra-t-il un peu abscons, surtout si vous ne savez pas lire, ou truffés de sophismes, si vous avez fait l'ENA. Mais, suis-je bête, si vous avez fait l'ENA, vous n'êtes pas là. Et ça je ne sais pas comment ça s'appelle. Un aphorisme ?

Bernard, tu vérifieras qu'il ne te reste pas un peu de savon derrière les oreilles ?

Tirez d'un coup les bondes des baignoires, si vous voulez bien, sinon ça gargouille toute la matinée.

La caméra fait un travelling arrière, et la ministre des armées serrant son micro devient de plus en plus petite, debout sur un escabeau dans la poussière de la grande cour, à côté du drapeau qui pendouille.

Au loin, dans les collines, on entend hurler les coyotes faméliques. Et on ne sait vraiment  pas pourquoi.

 

 

 

 

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