Ne croyez pas que les larmes sèchent…

 

Ce sont de petits carnets que j'ai trouvés dans ses affaires :

L'un en cuir découpé et relié à la main comporte des photos dentelées dont les coins sont insérés dans des fentes, toutes tamponnées au verso

 

 

 

 

L'autre est couvert d'une écriture minuscule au crayon de bois. Sa page de garde est en langue étrangère.

 

 

 

 

 

 

C'est un journal, qui commence le vendredi 10 mai 1940 par ces mots :

"alerte 3 ! "

et se termine le 20 avril 1945 par ceux-ci :

Au milieu il y a des notes journalières, des dessins naïfs, et un décompte de jours : 1785 en tout !

 

1785 jours, dont les 50 derniers (alors qu'avançaient les Russes)  "dans un exode  à pied de 400 kms sous la neige, par moins 15°, encadrés par des sentinelles hargneuses, harcelés par des chiens féroces, cohorte de traîne savates squelettiques, tenaillés par la faim et par la dysenterie, et bombardés au final par les avions américains, lors d'une bavure."

 

De son vivant je ne connaissais rien de tout cela, que des bribes saisies lors de conversations avec ses camarades de l'époque.

 

J'en ai fait un livre.

C'est tout ce que je pouvais faire, puisqu'il était trop tard pour qu'il me raconte.

 

Ce livre est rangé dans une valise de larmes, avec les autres, ceux des lettres de Verdun et du chemin des Dames, des citations et des avis des préfectures aux jeunes veuves...

 

   mais laissons les souvenirs enterrer les souvenirs...

 

musique : concerto de l'adieu, G. Delerue

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