pour les impromptus littéraires

 

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   photo  prise ici (clic)

 

Ainsi donc il n'est plus, Calixte Leconte, que nous célébrons aujourd'hui, lui qui fit à notre commune l'honneur de venir y finir ses jours, et subséquemment léguer ses droits d'auteur au club de majorettes.

Mais qui était vraiment Calixte Leconte ? Peu le savent, puisqu'il n'est pas sorti une seule fois de son manoir pendant les quelque dix ans qu'il a passés ici.

C'est en ma qualité de biographe du grand homme que Monsieur le Maire a fait appel à moi pour prononcer cet éloge, puisqu'il y a quelques années j'ai pu recueillir ses souvenirs pour "le courrier intemporel".

Oui, qui était vraiment Calixte Leconte, plus connu sous le pseudonyme de Leconte de St Germain, que cet anarchiste flamboyant s'était choisi comme un étendard, en souvenir du lieu de sa première incarcération ?

Qui était Calixte Leconte qui vient de nous quitter à l'âge probable de 112 ans, et dont les cendres, conformément à sa volonté, ont été jetées dans le fleuve Amour, en septembre dernier, (du moins si le paquet envoyé au maire de Vladivostok par Soeur Marie Madeleine, sa dévouée soignante, est bien arrivé).

Peut-être vous demandez-vous pourquoi je précise "probable", alors que précisément "probable" est imprécis ?

C'est que Calixte Leconte est (il serait plus juste de dire "serait ") - né à Primvda, en Parmésie, où la guerre civile fait rage depuis si longtemps que l'état civil n'y est plus tenu depuis l'époque du grand Memtis Kalom. Sa mère, Mamouana, lui aurait dit qu'il est né la nuit de la grande inondation. Ce qui ne lui a pas été d'une grande utilité, étant donné que Primvda est recouverte par les eaux presque chaque année, pour tout dire chaque fois qu'une des factions rivales parvient à faire sauter le barrage en amont.

De Mamouana, sa mère chérie/déchirante, qu'il a célébrée sous le nom de Folcoche dans un de ses premiers romans passés inaperçus, le musée de Nice possède un étonnant portrait par Dali, dont elle fut un temps la gouvernante, après avoir fui la Parmésie. Peu le savent, mais le portemanteau coincé sous le papillon géant dans "le talon exponentiel", c'est elle.

C'est dire dans quel creuset artistique a baigné le petit Calixte, et qui a probablement déterminé une partie de sa carrière.

Mais on ne saurait interpréter l'oeuvre de Leconte si on ignore l'autre influence qui a pesé sur sa jeunesse. C’est pour fuir la brutalité de son père, un certain Comte D, obscur hobereau des Carpates, que le jeune Calixte disparaît pendant dix ans.

On sait que son destin a croisé dans le désert celui d'un aventurier nommé Lawrence : de cette période datent ses plus beaux poèmes, publiés sous le premier pseudonyme qu'on lui connait : Arthur R. Qui de nos jours n'est encore hanté par ses fulgurances : "le coquelicot fané ne refleurit jamais [1]" ?

Commence alors la plus éblouissante et la plus étrange des carrières littéraires : trois fois prix Goncourt, sous autant de pseudonymes différents, (en 1920, il était simultanément quatre des concurrents en lice), il refuse le Nobel à deux reprises, en 1918 et 1935[2], pour des raisons mal élucidées, lui-même ayant à demi-mot évoqué "la flemme".

Plusieurs psychanalystes, et non des moindres : Freud, Lacan, et Gérard Miller, se sont penchés sur les personnalités multiples de Leconte de St Germain. Pour le premier, il s'agit d'un cas typique de poly-schizophrénie ; le second y voit la quintessence du génie affranchi des contraintes de l'incarnation ; et le troisième un jeu de "attrape-moi si tu peux" engendré par l'amour/haine qu'il portait à sa mère.

Quoiqu'il en soit, la geste de Leconte n'a pas fini de s'enrichir ; néanmoins la rumeur selon laquelle il aurait écrit plusieurs opéras sous le nom de Giuseppe V. n'est pas étayée.

Il n'existe aucune photo de Calixte Leconte ; la seule connue fut détruite en 42 dans un bombardement, elle le montrait de dos attablé au Flore avec Marguerite Duras, (qui lui inspira la grande Margot des "gaîtés de l'escadron", 1938).

Il cultivait à ce point le mystère, que c'est cagoulé qu'il participa aux "grosses têtes", dont il fit plusieurs fois les beaux jours, au cours du siècle précédent.

C'est donc ainsi cagoulé que Madame Camille Rodel, une autre remarquable personnalité artistique de notre beau village, a choisi de le représenter, dans la statue qui va désormais orner ce square "Calixte Lecomte", et que Monsieur le Maire va maintenant dévoiler devant nous.

 


[1] Omar Khayyām

[2]  Ce qui explique que le prix Nobel de littérature n'a pas été attribué ces années-là.

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