Adieux.

 

Que se passe-t-il quand on referme un livre ?
Nul ne le sait vraiment.


Sait-on jamais vraiment ce que deviennent ceux qu'on quitte ?
 

"Ainsi, déjà, tu vas entrer dans mon passé [1]"

Et aussitôt commencent les mensonges :


- Une fois jetés à la corbeille les gobelets du pot de retraite : "Reviens souvent nous voir" disent les collègues …

- Sur le trottoir, après le bac : "on reste en contact, les gars ! On se donne rendez-vous dans 10 ans, même jour, même heure [2]…"

- Sur le pas de la porte : "mais enfin, ne pleure pas, tu verras Papa aux vacances ! "

- "Dis, Quand reviendras-tu ? [3]


Car la vie reprend ses droits, comme on dit... Elle a bon dos, "la vie", pour dire "la flemme, la lâcheté, le train-train, la trahison des rêves , des idéaux…"


Pourtant chaque deuil, chaque séparation, emporte chaque fois un petit bout de nous, et on se délite et s'effrite un peu plus, comme Pierre, dans "l'âge de Pierre" : "Dans la mort d'un proche, le plus facile à supporter est la peine, sentiment simple et indiscutable. Ensuite on constate que le mort n'est pas parti seul, qu'il a emporté un morceau de soi, plus ou moins saignant [4]."


Mais bon, on a rarement le cœur qui saigne quand on referme un livre, juste un léger regret, et une hésitation à en ouvrir un autre.

Mais eux, que deviennent-ils ? Eux, ces personnages virtuels qui nous ont fait vibrer, ectoplasmes aspirés par le trou noir de la couverture qui se referme…

Il en est comme dans la vie, certains sont couleur de muraille et se dissolvent dans l'encre d'imprimerie. Mais d'autres sont si forts qu'ils reviennent nous hanter, bien plus forts que des êtres de chair, parce qu'immuables.

Peut-être qu'enfin seuls ils en profitent pour refaire leur parcours, changer leur destin, ou mener la bacchanale ?

Parce que l'auteur, si on y réfléchit bien, ne leur a laissé aucun choix.

 

Comme la vie.


[1] P Géraldy   [2] P Bruel   [3] Barbara  [4] P. Guimard, l'âge de Pierre


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