les Impromptus littéraires demandent de raconter une des 13 dernières années.

Défi relevé sans citer de nom de personne.

Image wikipedia : Ōnamazu le poisson chat, chevauché par Takemikazuchi

 
2011 est une année que je n'oublierai jamais. A cause de toi, David.
 
Dans un de tes mails, (était ce le dernier, le douze février 2011, que j'ai lu alors que tu étais mort depuis quelques heures, sans préavis, au bout du monde ?), tu disais que la marche du monde ressemblait à un jeu vidéo inspiré de Shakespeare : une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien, avec ses rois et ses tyrans, toujours animée par la vanité, la cruauté, la cupidité, et la jalousie.
 
Quoique justement, en 2011, l'espace d'un illusoire et long "printemps", dans les pays de soleil, les tyrannies allaient s'écrouler comme un château de cartes. Mais presque toujours le chaos remplace la misère… 
 
House of cards. Le cynisme comme religion.
 
En mars, "namazu", le diabolique poisson chat, s'est réveillé ; en s'ébrouant il a secoué Fukushima installé sur son dos. Quelle idée saugrenue aussi d'aller se poser sur le dos d'un poisson chat !
 
Le deux mai, Mister President annonce la fin de l'homme le plus recherché de la planète, qui paraît-il regardait Tom et Jerry et du porno dans sa tanière, après une traque de dix ans à plusieurs centaines de milliards de dollars ; on pourra bientôt suivre ça comme une série télé, ou un jeu vidéo, avec des képis étoilés dans des salles tapissées d'écrans de contrôle, et l'angoissante progression aux infra rouges des justiciers casqués.
Vingt-trois justiciers, dont vingt et un seront morts avant deux ans. Un métier à hauts risques.
 
Mais Eros et Thanatos se disputent la toile, cet événement est rapidement occulté par l'arrestation du maître du monde, ou du moins de sa tire-lire, pour batifolage inapproprié, programmé, selon certains. Exit un ex futur président...
 
Et voilà qu'en juillet, alors que chez nous le polar scandinave explose, le jeu vidéo se déplace dans le pays plus démocratique et le plus pacifique du monde, et un des plus riches, le pays des aurores boréales : un blond viking massacre soixante-seize personnes.
 
En octobre meurt le génie visionnaire de la pomme, grand esclavagiste des temps modernes, et quelques jours plus tard, grâce aux merveilleux appareils qu'il a conçus, le monde entier peut suivre en direct le lynchage d'un prince oriental, celui-là même devant qui les plus grands se prosternaient la veille. Quand le peuple devient populace il égale ses tyrans en cruauté.
 
Sinon, 2011 porte son lot habituel de mariages princiers et tralalas désuets, qui ressuscitent de croustillants scandales oubliés, de décès de célébrités, (curieusement, disait je-ne-sais-plus-qui, on ne fête jamais la naissance de célébrités - sauf si elle est flashée par une étoile) ; qui se souvient que c'est cette année-là qu'au CERN on dépasse la prétendue infranchissable vitesse de la lumière, que la population de la terre franchit le cap des sept milliards d'êtres humains, que la (toujours) perfide Albion se désolidarise (déjà) de la zone euro ?
 
Tu n'as pas vu tout cela, David, tu es mort bêtement (mais n'est-ce pas toujours le cas ?) dans une mission pour laquelle tu te dévouais sans illusion et sans espérance ; tu aurais pu dire, avec William que tu aimais citer : L'enfer est vide, tous les démons sont ici.
 
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