Amour, trahisons, destins brisés, c'est le feuilleton de l'été,

en 6 épisodes


Ecrit à quatre mains avec Danièle


( Marc Lévy, tiens-toi bien ! )

 

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chapitre 1. Retour à Barney


10

 

 

 

 

                        Il était presque 19 heures quand Marian arriva à Barney. Comme toujours, dans le dernier tournant, elle reçut comme un choc l'apparition brutale de la mer argentée dans la crevasse verte qui fendait la falaise.

Elle hésitait. Elle n'avait pas vu ses parents depuis dix sept ans !

Cependant, pendant tout ce temps, elle avait correspondu avec Agnès, sa mère, l’informant de ses activités professionnelles, et de leurs adresses successives. Elle lui avait appris la mort d'Howard, mais ne les avait pas prévenus de son arrivée. Agnès certainement avait déjà préparé le repas pour son mari, et serait contrariée d'avoir une convive inattendue.

Je vais passer par la supérette, se dit Marian, et y acheter quelques fruits. Cela devrait faire l'affaire.

La supérette s'était bien agrandie. La jeune femme se rappelait l'ancienne épicerie qu'elle avait remplacée, une vingtaine d'années plus tôt ; elle était tenue par Johnny Smith et son énorme femme, tous deux si affables ! Ils avaient été "rachetés" par Bunny's qui les avait maintenus sur place, et ils s'étaient bien adaptés à la modernité.

Il faut faire vite, se dit-elle, nous approchons de l'heure de fermeture.

Il n'y avait que deux caisses, et à cette heure, une seule était encore ouverte. Une femme noire, replète, y officiait. Son visage s'éclaira :

- Marian, Marian Whitehall, ça alors !

- Madame Cornwell, vous n'avez pas changé !

- Mais toi si, ma belle. Tu es devenue encore plus belle ! J'ai fini mon service, tu veux bien m'attendre, j'ai à te parler…

Marian était tétanisée. Elle n'avait pas revu Jiggy Cornwell depuis dix huit ans. A l'époque, Jiggy était chanteuse ; elle avait un certain succès au Bindy-Gibby à Limerick, avec ses mornas du Cap Vert.

 Marian ne l'avait entendue qu'une fois, et elle avait adoré. Ce soir là, elle était avec Timothy, il était si fier de sa mère. A juste titre.

- Elle ne s'appelle pas Jiggy, tu sais, lui avait-il confié. Ce nom idiot lui a été donné par le patron du Bindy-Gibby, pour faire la rime sur les affiches, soi-disant. Son vrai nom est Destinata. Destinata Testemunha, c'est bien plus joli hein ? Cornwell est le nom de mon beau père, qui m'a reconnu lorsque nous sommes arrivés ici, alors que j'étais encore bébé. Figure-toi que je me suis appelé Jesus-Joachin jusqu'à l'âge de dix huit mois… t'imagines, s'il me fallait traîner ce nom à l'école ?

Tim riait, magnifique et joyeux comme il était toujours.

Oh, Tim, mon cher Tim, pourquoi as-tu fait cela ?

- Voilà, voilà, fit Jiggy derrière elle, tu sais, c'est moi qui dois baisser le rideau, le patron me fait confiance ! C'est un jeunot, le fils Smith, mais il est sympa ; tu le connais, Andrew Smith, tu étais au lycée avec lui. Et Tim.

- Je suis désolée pour Tim, Madame Cornwell, j'étais... malade quand Tim est mort, je n'ai appris que longtemps après…

- Je voulais te voir depuis longtemps, ou t'écrire, mais ton père n'a jamais voulu me donner ton adresse, ni même me dire comment tu t'appelles maintenant. J'ai juste su par Agnès que tu vis à l'étranger…

- Me voir, mais pourquoi ?

- Tim a laissé une lettre pour toi, ma petite, elle t'attend depuis dix huit ans ! Il faut que je te la donne, viens donc une minute, j'habite tout à côté, dans l'ancienne maison de Mary Beans. Tu te rappelles de Mary et Johnny ? Quand il était à terre, Johnny Beans jouait de la cornemuse à toute heure du jour, et hélas de la nuit. Le pauvre, il a disparu, lui aussi, sur la Seagull, en même temps que mon Richard.  Et Mary est devenue folle…

Entre, Marian. Que je suis contente de te voir enfin !

Dans la pièce sombre au plafond bas, Jiggy ouvrait maintenant le tiroir d'un petit bureau.

- Voilà la lettre, c'est moi qui l'ai cachetée à l'époque, je n'ai pas voulu la lire, cela ne regarde sans doute que Tim et toi. Il était amoureux de toi, n'est ce pas ?

- C'est plus compliqué que cela, madame Cornwell ; un jour je vous expliquerai, je vous promets, mais là, excusez moi, je dois aller voir mes parents, il se fait tard…


suite demain : le poids du passé...


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