Tristan Tzara donnait ainsi la recette  pour faire un poème dadaïste :


Prenez un journal
Prenez des ciseaux
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l'article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l'une après l'autre dans l'ordre où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voici un écrivain infiniment original et d'une sensibilité charmante,

( encore qu'incomprise du vulgaire).

 

Un poème de Tzara : " la grande complainte de mon obscurité deux "

 

regarde mes cheveux ont poussé les ressorts du cerveau sont des lézards jaunis

qui se liquéfient parfois

le pendu

troué

arbre

le soldat

dans les régions boueuses où les oiseaux se collent en silence

chevalier astral

tapisseries fanées

acide qui ne brûle pas à la manière des panthères dans les cages

 le jet-d’eau s’échappe et monte vers les autres couleurs

 

Le jeu d'écriture consistait à faire l'inverse, et imaginer un texte (vulgaire) d'origine, avant  découpage et agitation.

Autrement dit placer dans un ordre logique (vulgaire) les mots et groupes de mots du poème.     

Autrement dit, un logorallye tiré par les cheveux.

  

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premier essai : Boues.

 

     (source peinture clic)

                  Le voilà  dans les régions boueuses, à demi enlisé, soutenu par un arbre nu, dépouillé, défolié par l'acide orange qui brûle ; le voilà enlisé, le soldat perdu, dont les idées se liquéfient au fur et à mesure que son cerveau  s'échappe, lui échappe, sous le casque troué, par un trou tout rond au dessus de l'oreille, au travers des cheveux qui collent, sont collés par le sang.


- Regarde mes cheveux, Maman dit-il, ils sont sales, ils sont longs, Maman, regarde mes cheveux ont poussé, si longs si sales, jaunis, ils collent, Maman.

Les copains gisent en silence la face dans la boue, et le grand Bill se balance dans  l'arbre noir, pendu à son parachute blanc qui tressaute en ressorts quand le vent s'y engouffre, dans l'arbre noir où jadis piaillaient des  oiseaux verts .

 

Il a soif, le soldat, parfois il voit le jet d'eau sur la place, des cascades. Le soleil ne brûle pas à la manière du soleil, il tape des coups sauvages  au rythme des pulsations de son crâne. Il crie :

 - Maman les panthères sont sorties des cages, Maman, au secours, Maman.

Mais Maman est assise en silence à broder ses sempiternelles  tapisseries fanées avec des chevaliers et des licornes.

- Maman insiste  le soldat, contrarié !

Des lézards, des scorpions, des serpents grouillent maintenant et montent à l'assaut de ses jambes.

-Maman ! crie encore le soldat, tandis que son corps astral s'envole vers les autres couleurs…

 

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Essai numéro 2, sur la même consigne : Travaux de printemps

Panthères, Lézards, et Dada

(photo picto)

Marre des coussins troués,
Des ressorts qui s'échappent des fauteuils
De l'air !
 
Marre des tapisseries fanées
De ces tons jaunis.
Out, le jaunasse, le beigeasse,
 
Convoquons les couleurs
Toutes les autres couleurs.
 
D'abord décollons le papier.
Alors Arthur, qui s'y colle
A la décolle ?
 
D'abord attacher mes cheveux
Qu'est-ce qu'ils ont poussé dis donc,
C'est le bon air de la campagne !
Comme ça, en jet d'eau, ils te plaisent mes cheveux
Arthur, mon roi à moi ?
 
Comment peux-tu bosser comme ça en silence ?
Attention avec le chalumeau
Ne brûle pas la boiserie quand même
Passe-moi le grattoir
Je fais le haut ?
Il faut que  je monte sur l'escabeau.
 
Pas étonnant qu'on l'ait retrouvé
Pendu à un arbre
derrière l'ancienne grange,
à la manière d'un épouvantail,
le capitaine Flamme,
Ce vieux soldat de la légion
Qui habitait la maison.
 
Vivre avec ces panthères grisâtres,
ces lézards adipeux  aux yeux globuleux !
hein Arthur,  qu'ils  sont malveillants,
les yeux des lézards ?
( à moins que ce ne soit des salamandres,
comme  dans les châteaux de la Loire)
il y avait de quoi se pendre, vrai !
 
Bon, l'alcool, l'acide ça aide un peu aussi.
Sais-tu Arthur,
(c'est la voisine qui me l'a dit)
que son cerveau et lui
battaient la campagne
de conserve les soirs d'orage ?
il courait pieds nus sur la lande,
et les régions boueuses près de la rivière,
avec un tisonnier
en guise de rapière…
se croyait chevalier, à ce qu'il parait.
Chevalier astral, le capitaine Flamme,
n'était pas de notre galaxie…
 
C'est normal, dis, que la colle fasse des grumeaux qui ne se liquéfient pas ?
On va mettre quoi après, sur les murs, Arthur ?
Si on peignait des oiseaux ?
tiens passe-moi le bouquin de Casto :
" pour faire le portrait d'un oiseau,  peindre d'abord une cage."

 

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