Panthères, Lézards, et Dada
26 sept. 2017Tristan Tzara donnait ainsi la recette pour faire un poème dadaïste :
Prenez un journal
Prenez des ciseaux
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l'article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l'une après l'autre dans l'ordre où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voici un écrivain infiniment original et d'une sensibilité charmante,
( encore qu'incomprise du vulgaire).
Un poème de Tzara : " la grande complainte de mon obscurité deux "
regarde mes cheveux ont poussé les ressorts du cerveau sont des lézards jaunis
qui se liquéfient parfois
le pendu
troué
arbre
le soldat
dans les régions boueuses où les oiseaux se collent en silence
chevalier astral
tapisseries fanées
acide qui ne brûle pas à la manière des panthères dans les cages
le jet-d’eau s’échappe et monte vers les autres couleurs…
Le jeu d'écriture consistait à faire l'inverse, et imaginer un texte (vulgaire) d'origine, avant découpage et agitation.
Autrement dit placer dans un ordre logique (vulgaire) les mots et groupes de mots du poème.
Autrement dit, un logorallye tiré par les cheveux.
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premier essai : Boues.
(source peinture clic)
Le voilà dans les régions boueuses, à demi enlisé, soutenu par un arbre nu, dépouillé, défolié par l'acide orange qui brûle ; le voilà enlisé, le soldat perdu, dont les idées se liquéfient au fur et à mesure que son cerveau s'échappe, lui échappe, sous le casque troué, par un trou tout rond au dessus de l'oreille, au travers des cheveux qui collent, sont collés par le sang.
- Regarde mes cheveux, Maman dit-il, ils sont sales, ils sont longs, Maman, regarde mes cheveux ont poussé, si longs si sales, jaunis, ils collent, Maman.
Les copains gisent en silence la face dans la boue, et le grand Bill se balance dans l'arbre noir, pendu à son parachute blanc qui tressaute en ressorts quand le vent s'y engouffre, dans l'arbre noir où jadis piaillaient des oiseaux verts .
Il a soif, le soldat, parfois il voit le jet d'eau sur la place, des cascades. Le soleil ne brûle pas à la manière du soleil, il tape des coups sauvages au rythme des pulsations de son crâne. Il crie :
- Maman les panthères sont sorties des cages, Maman, au secours, Maman.
Mais Maman est assise en silence à broder ses sempiternelles tapisseries fanées avec des chevaliers et des licornes.
- Maman insiste le soldat, contrarié !
Des lézards, des scorpions, des serpents grouillent maintenant et montent à l'assaut de ses jambes.
-Maman ! crie encore le soldat, tandis que son corps astral s'envole vers les autres couleurs…
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Essai numéro 2, sur la même consigne : Travaux de printemps
(photo picto)